Un peu d’histoire

Si vous avez le temps, un peu d’histoire.

Je suis née en 1981 à Cholet dans le Maine et Loire, ville du textile de la chaussure et du basket.
Bien qu’issue d’une famille étrangère au monde artistique, je fréquente de l’enfance à l’adolescence une salle de spectacle, le Jardin de Verre, tantôt comme spectatrice, bénévole, et à l’occasion comme stagiaire au contacts d’autres musiciens.nes en herbe. J’y vois sur scène des artistes du théâtre, de la danse, de la musique. Je reste marquée par certains, Lokua Kanza, Eric Bibb,

Vie rythmée par le basket au collège Clémenceau, puis la natation au lycée Europe, le Théâtre avec la troupe Ovale, la danse modern jazz le piano à l’école de musique, mais ici point de jazz, il faut le rencontrer toute seule. Tout commence avec une cassette de Scott Joplin qui jouait Mapple Leaf Rag. Piano classique, puis virage vers le jazz, puis virage discret vers le chant. Au collège mon amie Julie déjà chanteuse initiée par le milieu familial me fait découvrir avec passion l’héritage des musiques afro-américaines jazz, soul, funk, gospel, pop. Je suis toute ouïe. (par contre, qu’est ce qu’on fait à Cholet ??!!) Qu’à cela ne tienne, nous embarquons toutes les deux avec une troupe lyonnaise de comédiens-chanteurs-musiciens, et vivons notre première vraie expérience de création artistique, sorties du berceau choletais, l’initiatique « 307eme nuit à Samarkande ». C’est ici que je me découvre chanteuse, et que s’expriment mes premiers élans d’improvisation.

En 1999 je m’installe à Nantes, suis les cours de l’université en anglais (littérature et civilisation) jusqu’en licence et m’inscris tardivement au conservatoire en formation musicale, écriture, et chorale jazz. Je suis ballotée entre suivre la voie « rassurante » des diplômes universitaires et celle beaucoup plus aventureuse de répondre à un désir de moins en moins contrôlable, celui de ne faire que de la musique. Je rentre donc « clandestinement »(cf. parents pas vraiment ok) en cycle supérieur jazz au conservatoire de Nantes, en essayant de poursuivre la fac, sans succès.
Au tout début des années 2000 je rencontre petit à petit les musiciens.nes (en vérité extrêmement peu de musiciennes) de la scène jazz nantaise mais aussi des musiques actuelles. S’en suivent un nombre fou de collaborations, disques, tournées, participations, jam sessions, projets, et peu d’heures de sommeil. En vrac : le big band universitaire de Nantes, El Camino, Brasil Pass, Out of The Blue, Hocus Pocus, la Jam, Anatole Big band de Mouzillon, La Route du Rhum, le Canotier, Le Pannonica, Jazz sur Lie, Lazuli Quartet… A l’heure où j’écris je ne me souviens pas de tout, mais plutôt d’un fourmillement de découvertes et de rencontres impromptues qui m’ont menée ça et là. Je ne m’attendais pas à vivre ça, je ne me serai jamais imaginée cette vie de musicienne. La seule chose dont j’ai pu rêver à un moment avait été de chanter sur scène en étant accompagnée par un orchestre.

Parmi cette multitude d’expériences musicales qui s’enchainent, je tombe littéralement raide dingue de la culture brésilienne. La langue, les musiques, les rythmes, les interprètes, les sons, les compositeurs, les textes. Je suis éponge, j’apprends tout ce que je peux, je questionne, je parle, je danse, je fréquente, je mange, je vis Brésil. Je plonge tellement loin que me revient souvent la question : mais êtes vous vraiment née à Cholet ??!! Je précise qu’au moment où le coup de foudre opère, je dispose simplement des disques et des brésilomanes qui m’entourent pour m’immerger dans cette culture, internet arrive quelques années plus tard.

Je rentre au Conservatoire Supérieur de Paris en 2003, pour quatre années intenses. Seule chanteuse parmi les étudiants, sans professeur de chant. Surprenant pour une institution comme celle ci. Les rencontrent n’en finissent pas, les groupes les concerts non plus, j’ai la chance de vivre les 2 dernières années du Blue Note et ses jams, lieu bien connu et aimé des musiciens brésiliens de passage ou établis à Paris. La chance aussi de vivre plusieurs années consécutives le festival de jazz de Calvi, sous le regard bienveillant de René Caumer son fondateur. J’embarque pour deux aventures au long cours et marquantes : les Voice Messengers, ensemble vocal jazz à huit chanteurs mixtes + une section rythmique, sorte de big band vocal dans la tradition des Double Six. Elle est là mon école de chant : dix ans au contact de 7 autres chanteurs.es, à tisser minutieusement un son avec un soin d’orfèvres.
L’autre navire c’est le groupe de percussions afro-brésiliennes Zalindê, orchestre constitué exclusivement de femmes. Si au départ je n’ai pas vu plus loin que le plaisir de se retrouver entre filles, très inhabituel pour moi dans le jazz, je mesurerai beaucoup plus tard la portée et l’engagement de cet orchestre sur la question de la présence des femmes dans le milieu très masculin des batucadas. On est en 2005.

Etre au conservatoire supérieur de Paris me permet de croiser la route de Cécile Garcia Fogel, comédienne qui me propose de rejoindre en tant que répétitrice une création musico-dramatique dédiée à Claude Nougaro. Je me retrouve pendant 2 mois aux côtés de Christophe Rauck, Philippe Berodot, sous la Coupole du Théâtre de la Ville, à faire répéter deux comédiens de haut vol qui s’emparent des mots comme je ne l’ai jamais vu chez les chanteurs. « L’Araignée de l’Eternel », titre donné à la pièce, me réconcilie avec le français et fait naitre un appétit/goût pour les textes à chansons, la poésie, les mots qui s’entrechoquent, l’écriture, qui n’a cessé de croître depuis.

Quelques années après ma sortie du conservatoire de Paris j’ai eu envie de me former à l’enseignement, moi qui avait été partiellement autodidacte pour le jazz, complètement pour le chant, pas tout à fait à ma place dans cette classe de jazz et musiques improvisées, pas tout à fait en dehors non plus, j’ai compris un peu tard que cette place c’était à moi de l’inventer. Personne ne me donnerait la recette.